Ce genre d’appel était bien trop précieux pour qu’on se permette de lui tourner le dos de la sorte. Sa secrétaire avait fait le nécessaire – ah, cette bonne Lynda ! Toujours prompt à faire du zèle sans heure supplémentaire – et il avait donc lu le dossier avec minutie. Un club de strip-tease avait besoin de lui. Du moins, de « Walter Lawson » plus précisément. Loki n’allait certainement pas laisser partir cette poule aux œufs d’or. L’affaire était juteuse. Mais d’abord, il lui fallait rencontrer son client de visu.

Se servant de sa voiture de fonction – de toute manière, il n’en avait pas d’autre – le métis d’Asgard se rendit dans le quartier de Manhattan. Il ralentit l’allure en arrivant dans les avenues, rues et ruelles tout en consultant son GPS pour être certain de la destination. L’adresse était simple mais, comme tout club de ce genre, le bâtiment n’en restait pas « invisible » aux yeux d’innocents. Sauf lorsqu’on savait où regarder et à qui demander.

Loki se gara dans la contre-allée. Il réajusta correctement sa cravate puis l’écharpe émeraude et or autour de ses épaules. D’un pas décidé, il frappa à la porte dudit club et attendit qu’on lui ouvre. Ce qui ne tarda guère. Quelques mots échangés avec la personne responsable de l’entrée comme de la sortie des lieux et il fut introduit au sein des ténèbres.

Il descendit quelques marches puis continua sa route, non sans observer avec un intérêt feint la décoration et les goûts en la matière du propriétaire. De jour, l’endroit semblait bien vide. Triste. Monocorde. Le Dieu d’Asgard reporta son attention sur son guide qui venait de s’arrêter devant une porte massive. Porte à laquelle il frappa et laissa ensuite entrer l’avocat.

« Monsieur O’Bannon, je présume ? Walter Lawson, votre avocat pour notre… affaire. »

Il inclina légèrement la tête vers son interlocuteur sans le quitter toutefois des yeux, un sourire aimable aux lèvres. Il allait passer un petit moment en la compagnie l’un de l’autre, après tout. Autant aller droit au but pour commencer et savoir de quoi il en retournait exactement.

Dans son appartement au-dessus du Hellfire, Faolán finissait de se préparer avec un certain agacement. La soirée d’ouverture du Hellfire ne s’était pas très bien passée et il avait eu des plaintes. Des bagarres et de la destruction de son matériel. Il lui fallait un avocat pour le club avant de se retrouver à payer plus de dommages et intérêts. Il n’était pas un professionnel du management, ayant décidé de créer ce club pour lui offrir une couverture et un alibi pour son incapacité à sortir la journée. Donc, la première chose qu’il devait faire, c’était engager un avocat. Comment une bonne idée pouvait-elle être si compliquée à mettre en place ?
Terminant son café d’un trait, le Vampire fonça sous la douche. Il lui fallait être présentable pour recevoir l’homme. Même sans reflet dans le miroir, il savait comment faire pour se coiffer et se maquiller sans que cela ressemble à une œuvre d’art contemporaine. D’ailleurs, comment pouvait-on qualifier un monochrome blanc comme de l’art, sérieusement ? Faolán ne comprendrait jamais ça. Dans son appartement et son club, tous les tableaux qu’il avait choisis étaient des copies d’anciens tableaux ou des œuvres reprenant les codes d’anciennes écoles de peintures.
Une fois prêt, il descendit dans le club et alla attendre l’avocat à une table. Les employés étaient en train de tout préparer pour l’ouverture, mais il était vrai que cet endroit perdait un peu de son charme quand il n’y avait ni musique, ni danseurs. Mais la tranquillité ne dérangeait pas le Vampire, surtout qu’en règle générale, les nuits à chasser dans les boîtes de nuit lui donnaient très souvent d’incroyables maux de tête.
Il entendit l’homme arriver de loin et se leva pour l’accueillir. L’odeur était étrange, bien plus fraîche et agréable que celle des humains. Même les optimisés ne sentaient pas comme cela. Intéressant. Il lui serra la main et sourit. Walter Lawson. Qui était-il vraiment ? Ce serait intéressant de le découvrir.
- Je suis enchanté de vous rencontrer, Maître Lawson. Je vous remercie d’avoir répondu si prestement à mon appel. Puis-je vous offrir quelque chose à boire ?

Sans vraiment demander son reste, Loki prit place face à son interlocuteur et client du moment. Son regard balaya nonchalamment la pièce dans laquelle ils se trouvaient tous deux, ne semblant y prêter que peu d’intérêt. Voire aucun.

« Avec plaisir. Un Bloody Mary, je vous prie », répondit-il alors que dans un mouvement fluide, il déposait ensuite le dossier de son vis-à-vis sur la table. Dossier qui contenait la majeure partie des notes de sa secrétaire ainsi que les informations qu’elle avait pu recueillir par-ci par-là. Le reste… eh bien, c’était à lui-même de le constituer.

Le métis d’Asgard se cala confortablement contre le dossier de sa chaise. Après tout, ils allaient en avoir pour un petit moment de son point de vue, donc autant se mettre à l’aise. Surtout que son intuition – ou tout autre chose ? – lui souffla que la situation était beaucoup plus… disons… insidieuse qu’elle ne semblait l’être en apparence. C’était souvent le cas. On vous appelle pour un petit souci qui paraît des plus banales et même anodin et, en creusant, vous découvrez quelque chose de plus vicieux et même complexe.

« Je vous écoute. »

Autant commencer dès maintenant, si cela pouvait éviter de durer toute la journée. D’autant qu’ils allaient devoir sans doute passer par moult paperasses toutes plus joyeuses les unes que les autres. L’avantage d’être avocat était la possibilité de rencontrer et nouer des alliances avec des personnes des plus exotiques mais… l’inconvénient était  tous les documents à remplir qu’il ne pouvait guère déléguer.

Malheureusement.

« Commencez par le commencement et n’omettez rien, je veux tout savoir. Même le plus petit détail peut faire pencher la balance en votre faveur. », ajouta-t-il avec un étrange sourire.

Le nouvel arrivant intriguait grandement Faolán. Qui était-il ? Qu’était-il ? En plus de quatre cents ans, le Vampire n’avait jamais senti pareille odeur, ni ressenti pareille aura. Les Vampires sentaient la mort et le sang, les Lycans empestaient souvent le chien mouillé, les super-soldats exhalaient une odeur virile, les optimisés avaient une senteur très particulière, mais reconnaissable quel que soit leur mutation… mais il ne connaissait personne avec ce parfum frais et agréable, presque attirant. Du coup, il s’interrogeait aussi sur le goût du sang de son avocat, mais il savait se tenir.

Il se leva et alla préparer un Bloody Mary pour Walter et un mojito pour lui-même. Il avait appris à faire les cocktails pour passer le temps et à présent, la seule raison pour laquelle il avait engagé un barman et une barmaid, c’était uniquement parce qu’il n’avait pas envie de se retrouver à servir de seuls humains et que ce travail ne l’intéressait aucunement. Et puis, se faire servir par un beau jeune homme ou, le cas échant, par sa charmante infante, sa chère Hélène, était tellement agréable.

- Très bien, Maître Lawson. Je vous ai fait venir car j’ai besoin d’un avocat pour mon établissement. Je l’ai ouvert très récemment et je souhaiterais donc être en mesure de le protéger en cas de problème. Certaines personnes voient le genre d’établissement que je dirige avec malveillance et j’ai déjà eu une vitre cassée et des problèmes avec certains clients qui auraient pu très mal se terminer. Je souhaite donc une protection juridique pour le Hellfire.

Un de ses employés passa près d’eux en se tenant la main. Faolán sentit l’odeur du sang et se leva d’un bond pour l’aider à panser sa plaie. Il n’avait pas spécialement besoin de se nourrir, mais il préférait ne pas avoir cette odeur parasite dans le nez pendant qu’il discutait avec Walter… ou qui qu’il soit.